Collateral

Max, taxi de nuit à Los Angeles, prend en course un dénommé Vincent. Dynamique, grisonnant, propre sur lui... Il lui propose 600$ pour l'emmener à divers points de la ville, avant de prendre l'avion au matin. Emballé par l'idée de se faire de l'argent facile, Max accepte; mais il déchante vite en découvrant que Vincent est un tueur, et que la nuit s'annonce sanglante. Menacé de mort, il n'a pas vraiment le choix. A moins que...

Le nouveau Michael Mann (Manhunter, Révélations, Ali & co) est aussi le nouveau Tom Cruise (qu’on ne présente pas). Un choc attendu, d’autant plus que l’implication de Cruise dans ce personnage froid de tueur au poil gris semblait importante. Qu’en résulte t-il finalement? Une histoire relativement simple, d’un homme pris en otage, et qui essaye de se sortir de cette situation. Parce que le vrai héros de cette histoire, ce n’est pas Vincent le tueur… C’est le chauffeur, Max. Englué dans un travail censé le conduire vers la vie de ses rêves, il occulte chaque occasion de s’affirmer. Lorsqu’il rencontre Annie, le courant passe; au point qu’elle lui donne sa carte et lui demande de l’appeler… Une opportunité qu’il met de côté. Mais lorsqu’il découvre le vrai visage de Vincent, tout change.

Figure héroïque par excellence, Max s’ignore, et se voit révélé par la force des choses. Ce n’est pas un monde qu’il a à sauver, c’est son monde. Sa vie, ses rêves, tout prend alors une tournure différente. Il exploite le peu de liberté que Vincent lui laisse, et tente par tout les moyens d’arrêter le carnage, au risque de sa propre vie. Mais, loin du héros stéréotypé, il reste humain: ses défaillances (sa mère hospitalisée, entre autres) le mettent en danger, mettent les autres en danger, sans savoir forcément comment s’en sortir. C’est là que se trouvent les diverses ingéniosités du scénario: les figures sont connues, habituelles… Mais les personnages ne le sont pas; humains, faillibles mais sensés, et possédant un code de l’honneur qui leur est propre. Astucieux, sans jamais faire de l’esbroufe, l’histoire ne semble souffrir que d’un rythme parfois trop contemplatif, qui en rebutera quelques uns.

Un Tom Cruise étonnant, c’est le moins que l’on puisse dire. Outre physiquement, il développe une énergie destructrice qu’on ne lui connaissait guère. Bien sûr, il y a eu les deux Mission: Impossible, et quelques actioneers plus ou moins musclés, mais rien d’aussi sobre et efficace que ce Vincent. Certes, il court, saute, et flingue, mais sa justesse lui évite les maladresses que d’autres rôles lui avaient offertes sur un plateau. Son binôme, Jamie Foxx, éloigné de ses habituels rôles de black de service (un coup blagueur, un coup frappeur) illumine l’écran. Prenant à cœur son rôle de héros, que le marketing délaisse au profit d’un nom plus connu, il s’affirme dans ce personnage d’humain à la vie de robot, forcé de changer son attitude par la force des choses. Motivé par une Jada Pinkett-Smith plus adulte que d’habitude, au sourire toujours aussi ravageur, et au rôle court, mais aussi important qu’efficace.

Super-Mann a encore frappé. Et encore une fois, il surprend là où ne l’attendait pas vraiment. Filmé en DV, principalement à l’épaule, il parsème son film de plans aériens classieux, au rythme d’une musique lancinante. Assisté d’un travail minutieux de la part des deux chef-op’, il distille une atmosphère urbaine et jazzy, et détourne l’image coutumière de LA, sans jamais oublier son côté mégalopole. Superbement monté, photographié et filmé, Mann (et son équipe technique) nous livre une fois de plus un film travaillé, réfléchi et efficace.

Ne vous fiez pas au marketing, pas plus qu’aux extraits montrant une image en DV pas forcément ragoûtante: ce n’est pas un film d’action filmé au caméscope. Oubliez vos idées reçues, le héros n’est pas forcément sur l’affiche. Cruise y est très bon, Foxx est charismatique, et la réalisation vous scotchera… Si le film rate le top 10, c’est seulement à cause d’un rythme qui ralenti parfois, et nous fait décrocher de l’histoire. Certains aimeront ces cassures, d’autres non, mais il faut avouer que le reste est impeccable.