Old Boy

S'apprêtant a fêter dignement l'anniversaire de sa fille en se saoûlant, Oh Dae-Soo se fait kidnapper. Aucune rançon n'est demandée, aucun indice n'est donné: juste cloîtré dans une pièce, avec lit et télé. Quelques années s'écoulent, et il a apprend le meurtre de sa femme au journal télé, assassinat dont il est le principal suspect. Relâché au bout de 15 ans, sans explication, son ravisseur lui propose un jeu de piste.

On a beaucoup écrit récemment sur ce film: Grand Prix du jury à Cannes, précédé d’une critique flatteuse, le film était attendu par les aficionados et les cinéphiles. Le grand public, lui, n’est pas particulièrement visé: film interdit aux moins de 16 ans, peu de pub, et beaucoup de copies en VO. Pour ces derniers, il est dommage de passer à côté d’un film, certes quelque peu OVNI, mais d’une qualité bien supérieure aux standards actuels.

Drôle (ç’en est même parfois étonnant), féroce et violent (cela reste très cinématographique et décalé), le film développe pourtant une histoire astucieuse, doublée d’une étude consciencieuse sur le comportement humain. Dae-Soo est enfermé, privé de liberté et de choix, et subit le conditionnement d’un kidnappeur/Dieu, qui l’endort, le soigne, lui coupe les cheveux (!!!)… Manipulé, il développe une rage envers un ennemi invisible; le meurtre de sa femme n’est qu’un cran dans cette montée plus ou moins contrôlée vers la haine. A sa sortie, malgré sa liberté retrouvée, il se focalise sur un unique objectif. Ce but pourtant simple (retrouver son geôlier), il n’arrive pourtant pas à l’atteindre sans l’aide d’une serveuse rencontrée par hasard, et sans les indices disséminés par la personne même qui l’a séquestré. La vengeance est un moteur, mais il est dangereux de s’y fier aveuglément.

Choi Min-Shik, dans ce rôle complexe d’homme manipulé, restreint puis relâché, est une merveille d’interprétation. Avec beaucoup de finesse, il peut siffler comme une cocote-minute, faire exploser sa violence et puis, l’instant d’après, être un homme simple et brimé, intérieurement détruit, à la recherche d’un semblant de stabilisation. La réponse à ses envies viendra peut-être de la jeune Mido, personnifiée avec talent par Kang Hye-Jeong, jeune actrice prometteuse. Sa relation difficile avec Dae-Soo, son soutient, la promesse d’une normalité… Autant de difficultés qu’elle fait passer comme une lettre à la Poste. En revanche, si les acteurs principaux s’en tirent haut les mains, certains figurants (les hommes de main du kidnappeur) tirent le niveau vers le bas. Bien heureusement, ils ne sont que de la viande rapidement évacuée par le héros, et leurs maladresses n’entachent pas le film.

Au-delà du formidable travail des acteurs, c’est le talent du réalisateur/scénariste Park Chan-Wook qui est à saluer. Une écriture simple et efficace, tout à tour coup de poing, drôle et dramatique, au service d’une histoire idoine, et de personnages attachants. Une réalisation talentueuse vient encore améliorer le tout: que ce soit une longue scène de combat dans un couloir, tout en plan-séquence et travelling, ou la scène de début au poste de police, sa caméra est toujours bien placée.

Mi-film et mi-choc, Old Boy saura sans conteste s’imposer dans la liste des meilleurs films de l’année. Doté d’une réalisation sans faille, d’un scénario astucieux et d’une interprétation majoritairement fine, il est de ceux dont on aimerait voir plus souvent les affiches en façade de nos cinémas. Malgré une ou deux longueurs, et une fin que j’aurai aimé plus concise, il n’y a rien à jeter. Old Boy, c’est pas du cinéma, c’est LE cinéma.