Comme Une Image

Lolita, fille d'Etienne Cassard, célèbre écrivain sur le déclin, désire devenir chanteuse. Sous la coupelle de sa prof Sylvia Miller, fan de Cassard, et épouse de Pierre, écrivain underground à la mode, elle doit d'abord convaincre son père, trop nombriliste pour s'intéresser à elle. Sylvia, elle, est fan d'Etienne, lui-même aimant le travail de Pierre. Ne s'acceptant déjà pas elle-même, peut-elle accepter les autres, ou doit-elle les faire changer?

Attendu comme on attend un Woody Allen, voilà le nouveau Jabac. Le style, on le connaît. La façon d’écrire, l’humour aussi. Les thèmes également. Alors, pourquoi ? Comme Allen, Bacri et Jaoui ont leur propre univers, où tous les personnages ne semblent être que les différentes facettes de leurs auteurs. On sait à quoi s’attendre, et on a pourtant toujours cette sensation de découvrir ce petit quelque chose qu’ils ne nous avaient pas exposé avant… scénaristes talentueux, ils prennent généralement le temps de peaufiner leurs personnages et leurs mots, et ça se voit/s’entend. Attachant, reconnaissable (presque stéréotypé) mais profondément humain, le petit monde qui peuple leurs films est très largement aidé par des dialogues ciselés (le "coup du panda" faisait encore effet dans la salle 10 minutes après que le bon mot ait été lâché), et un rythme ad hoc. Plus qu’une comédie de mœurs, le cynisme amène une comédie de caractères, et la dramaturgie qui en découle est soigneusement appliquée. Pas de fausses notes ou d’extravagance; les Jabac arrivent à leurs fins avec simplicité, piochant dans la vie de tous les jours.

Pour ça, il fallait que les acteurs soient à la hauteur. Et ils le sont. Bacri fait son bougon habituel, ce qui pourra en agaçer plus d’un; mais prenons le problème à l’envers: s’il y a un ronchon dans l’histoire, qui mieux que Bacri peut se l’approprier? Jaoui, toujours dans ses changements de tons (au littéral parfois, grâce à son rôle de prof de chant), sait gratter et exposer les blessures d’un personnage plus intéressée par le succès des autres que par le sien. Laurent Grevill, en écrivain méconnu qui trouve soudainement les bonnes grâces des critiques sait s’effacer, dans la logique du personnage pour faire place au duo rayonnant. Très bonne prestation également de Virginie Desarnauts, pourtant partie dans sa vie d’actrice avec un handicap estampillé AB Production; elle interprète avec beaucoup de finesse un personnage certes secondaire, mais contrepoids nécessaire au cynisme de Bacri. Mais la vraie révélation du film vient de Marylou Berry (fille d’une gens connu): avec son premier rôle, elle arrive à trouver ce juste milieu entre "aimez-moi" et "allez vous faire foutre" qui sied tellement à son personnage, jeune fille ayant grandi dans l’ombre d’un père qui s’en désintéressait… Beaucoup de justesse de sa part, à l’image des autres acteurs. Peu d’expérience, mais déjà du talent à revendre.

La réalisation, quand à elle, ne marquera pas l’histoire. Beaucoup de justesse dans la simplicité, il est vrai, mais parfois, Jaoui semble se contenter de filmer ses dialogues, pensant que cela suffit. Rien de bien méchant, ce défaut ne se remarquant que pendant les rares baisses de régime de l’histoire.

Si vous avez aimé Le Goût Des Autres, ce film est pour vous. Et vous pouvez remplacer le titre précédent par n’importe lequel des Jabac. Pas très original, donc, mais leur talent est là: exposer leur monde à des problèmes du notre, agiter, et regarder comment ça se décante… On aime ou pas, mais il faut leur avouer ce talent d’écriture qui fait souvent mouche.