Mean Creek

Sam, jeune garçon sans problème, se fait tabasser par George, une brute ayant redoublé plusieurs fois. Il en fait part à son frère, qui échafaude avec ses amis un plan pour faire payer à George son comportement. Ils l'invitent donc à une ballade en barque, en ramenant au passage la petite amie de Sam, qui ignore le plan. Mais George se révèle être un garçon étrange et seul, mal dans sa peau. Ce qui était prévu l'est-il toujours?

Etrange croisement entre Stand By Me (pour le groupe d’enfant face à la mort), et Elephant/Gerry (pour le cinéma minimaliste qui n’existe que pour ses personnages), le film réussi à séduire. Très court (1h29), très simple, l’histoire se déroule en majeure partie sur une rivière serpentant au milieu d’une forêt. Ce sont donc les personnages qui font vivre l’histoire, et non l’inverse. Challenge peu évident (j’ai peu apprécié les deux films de Van Sant suscités, partageant pourtant beaucoup de points communs avec Mean Creek), la notion de groupe participe activement à l’adhésion de l’histoire. Ses membres, et ce qui les unis (ou non, dans le cas de George); leur but, plus ou moins précis dans leur tête… On a tous rêvé d’humilier un de ses camarades, de le brimer juste pour le plaisir de rire comme il a pu rire de nous. C’est, ce qu’ils pensent, s’apprêtent à faire; mais la donne change, et ce qui semblait être évident ne l’est plus. Comment réagirions nous à leur place? Irions-nous jusqu’au bout d’un plan dont la pertinence s’effrite? Très bien écrits, les personnages évitent les stéréotypes, et malgré leurs différences, ils sont pour la plupart gouvernés par le bon sens. Aucun d’entre eux n’est vraiment mauvais, et nul ne cherche à être bon; seulement à être juste.

Un cast jeune, et pas forcément connu. Rory Culkin (frère de) est le seul dont le nom évoque quelque chose. Dans le rôle de Sam, il donne un visage à ce sentiment curieux d’intériorité, du genre de ceux qu’on les enfants, souhaitant des tas de choses, montant des plans, mais ne les réalisant pas. Carly Shroeder, visage de l’innocence, embarqué sans le savoir dans une affaire qui la dépasse, apporte un regard différent à un groupe masculin, et auquel il manquait un œil différent. Les autres jeunes acteurs (dont je pourrais lister les noms, mais personne ne les reconnaîtrait) s’en tirent très bien: menant le film à 95% sur leurs épaules, il y avait le risque qu’ils passent à côté de leur personnages. Mais non; plus que leurs rôles, ce sont les tenants et les aboutissants de l’histoire qu’ils ont compris et personnifiés.

Une caméra sans chichis (j’ai eu un peu peur quand même au début, avec ce plan sous-marin très laid), qui manque justement parfois de recherche artistique: presque tout est filmé à l’épaule (c’est très regardable, pas comme La Mort Dans La Peau). Bien sûr, l’histoire ne demandait pas une réalisation digne de LOTR, mais j’aurai préféré une vision moins contemplatrice, plus dans l’action. Rien de bien méchant ni de regrettable, quand même.

"Petit" film, qui a fait avec succès le tour des festivals, Mean Creek est une version attractive d’un cinéma influencé par le dogme, et par les récents essais de Van Sant de faire un cinéma simple. Pas foncièrement une réussite majeure, mais une œuvre attirante, qui tire efficacement partie de sa courte durée pour exploiter son thème de départ. Pour le style utilisé, on ne peut pas nier qu’il sied à l’histoire; qu’on l’apprécie ou pas est autre chose. On ressort du cinéma sans s’être ennuyé, en réfléchissant ne serait-ce qu’un peu, et on ne regrette pas son billet. Même s’il lui manque quelques détails pour en faire un film plus mémorable.