Eternal Sunshine Of The Spotless Mind

Joel et Clementine s'aiment. Mais petit à petit, ça ne va plus. Quand il apprend qu'elle s'est fait effacé tout souvenir de lui, il décide d'en faire autant. Le professeur Mierzwiak lui en offre la possibilité. Et voilà Joel, chez lui, un casque sur la tête relié à des ordinateurs, qui se fait effacer tout ce qui lui rappelle Clementine. Mais voilà, il l'aime, peu importe ce qui s'est passé. Il va devoir combattre sa mémoire pour garder ses souvenirs.

Fan de Gondry, de son univers, de ses clips, je n’avais pas été aussi emballé par Human Nature que je l’aurai souhaité. La difficulté de passer à un format long, pour quelqu’un qui d’habitude fait du court, ce n’est pas évident. D’autant plus qu’il y développait un attrait pour le rythme et la géométrie, et que le scénario (déjà signé Kaufman) ne s’y prêtait pas. Tirant des leçons de son passé, il s’applique ici à soigner son film sur la longueur. Et il réussi avec brio.

Dur dur de décortiquer cet Eternal Sunshine. Le film est tellement dense, et le principe tellement simple… 90% du film se passe dans les souvenirs de Joel; il est chez lui, allongé, inconscient, et on se ballade dans les méandres de sa mémoire, avec tout ce que ça comporte. Ce dont on se souvient n’est pas toujours la réalité, et parfois, certains faits se mélangent. Ce qui est récent se confond avec l’ancien, certains détails prennent de l’importance, et la logique n’a plus de raison d’être. D’autant plus que Joel, s’apercevant de son amour pour Clementine, n’hésite pas à modifier ses propres souvenirs, quitte à en créer de nouveaux. Aucun programme, pas même ceux de Lacuna Inc, ne peut prévoir ça; c’est ce que les techniciens venus pour effacer la mémoire de Joel vont constater. Tous les éléments semblent offrir à Gondry un moyen d’expression: les effets spéciaux fleurissent, mais ne prennent jamais le pas sur une histoire toute en sensibilité. A l’aise dans tous les domaines, il affirme ici l’ampleur de son(ses) talent(s). Plus qu’une histoire d’amour racontée, il s’agit là d’une histoire fantasmée, entre le vrai et le faux… Ce qu’on cherche tous, Gondry l’a filmé.

Il ne faut pas oublier la musique. Soutenu par un score efficace de Jon Brion, les morceaux font preuve d’éclectisme, et rythment avec brio la mise en image des souvenirs de Joel. A noter une superbe reprise de "Everybody’s Got To Learn Sometime" par Beck (sous influence Nick Cave-ienne), que vous vous surprendrez à fredonner bien après être sorti du cinéma.

Vous vous souvenez des grimaces de Jim Carrey? Oubliez-les. Tout en finesse, il est un Joel épatant (il ne sera probablement même pas nominé, mais je lui donnerais volontiers un Oscar) (et un Golden Globe) (et tout autre award, en fait)… Il n’en fait jamais trop, et insuffle de la vie dans un personnage qui n’aurait pu être qu’une marionnette pour mettre en valeur les FX. Mais non; Joel est humain, fragile, son imagination travaille, lui joue des tours, et chacun de ses souvenirs fait de lui de qu’il est. Un rôle si simple en apparence, et pourtant si compliqué… Et Carrey est un bon acteur. Un très bon acteur. Face à lui, il fallait une Clementine qui sache s’imposer. Kate Winslet, dont on ne doutait pas des talents (cf. Heavenly Creatures), campe une alter ego décidée, et à la fois indécise. Ce qu’elle aime un instant, elle le détestera ensuite, à l’image de sa relation avec Joel. Farfelue, extravagante, mais tendre et mélancolique, il fallait trouver un juste milieu pour rendre justice au personnage; c’est exactement ce qu’a fait une Winslet inspirée. Tous les autres personnages, difficilement classés de secondaires, font une performance du même calibre. Elijah Wood, Kirsten Dunst, Tom Wilkinson… Impeccables. Mention particulière à Mark Ruffalo, méconnaissable.

Pari réussi, donc. Un scénario ciselé par un Charlie Kaufman des grands jours, mis en images par un Gondry enfin décomplexé par la longueur de son métrage, des acteurs qui mériteraient un Oscar collégial, une musique adéquate… Que demander de plus? Le film est un patchwork géant, où l’imagination et le réel s’entremêlent sans jamais se marcher sur les pieds. Du rire, des larmes (un peu), de l’émotion, du spectacle; rien qu’on ne puisse résumer à une critique. Il y a un milliard de bonnes raisons d’aimer Eternal Sunshine… Vous en trouverez bien au moins une.