Vipère Au Poing

En 1922, après le décès de leur grand-mère avec qui ils vivaient, Jean et son frère Ferdinand retrouvent leurs parents revenus de Chine avec un frère dont ils ignoraient l'existence. Mais les relations avec la mère, vite surnommée "Folcoche" (folle + cochonne), vont prendre une tournure cauchemardesque. Elle n'hésitera pas brimer ses enfants, et à les violenter. Mais les frères s'unissent pour prendre leur revanche.

Oubliez le livre, oubliez la noirceur et le drame… La dramaturgie du film, c’est la sécheresse de cœur de Folcoche, confrontée à un Jean dont le monde a été édulcoré. Un peu de mélancolie, un peu de drame, et beaucoup d’humour tendre; on s’éloigne du roman d’origine. Bien sûr, le film n’est pas désagréable. La distance prise avec le livre était même intéressante… Mais au final, on assiste à une œuvre bancale: des thèmes sombres et sérieux traités avec beaucoup de légèreté. Et s’il ne sait sur quel pied danser, le film n’essaye même pas de le cacher. Les relations des personnages sont simplifiées, tout comme les anecdotes sont policées. Encore une fois, ce n’aurait pas été bien grave si le fond de l’histoire avait lui aussi subit ce travail d’adaptation: or, il est livré tel quel, brut de décoffrage, et le reste ne suit pas. Et tout ceci est d’un classique: la voix-off, les flash-backs… Les procédés n’arrangent rien.

Dans l’optique du film, Frot est une Folcoche magnifique: sadique, froide, et manipulatrice. Comme d’habitude, elle fait preuve de son talent dans un registre où on l’attendait pas à ce niveau. Actrice complète, personne n’en doutait, et c’est pas maintenant que ça va commencer. Le petit Sitruk, devenu populaire ces dernières années, campe un Jean crédible, malicieux, et rebelle. Véritable chef de meute de ses frère, il ne failli pas dans le caractère, et son leadership est plausible. Reste Villeret… Agrippé à son personnage de père dépassé par les événements, il semble s’amuser dans ce rôle d’ex petit bourgeois, virevoltant dans la nostalgie bucolique du film.

Villeret interprete un personnage qui attrape des mouche, les enferme dans des bocaux, et les observe avant de les épingler. C’est un peu ce qu’a fait De Broca derrière sa caméra. Il regarde, sans les laisser s’exprimer au mieux, ses acteurs, avant d’attendre leur mort. Alors, pour éviter de les étouffer trop vite, il utilise divers artifices. De structure, d’abord: la voix-off, construite sur le flash-back original, pour guider le spectateur sans avoir à faire intervenir les protagonistes. De cadrage ensuite: il semble parfois plus s’intéresser aux décors mélancoliques, ou à la décoration de la maison qu’à ses héros. Dommage de ne pas avoir mis Folcoche plus en avant, participant ainsi à l’allégeage du matériau littéraire. Certes, le reste est beau, mais De Broca aurait dû s’intéresser à son récit plutôt que de céder à la mode nostalgie champêtre qui vérole le cinéma français depuis quelques temps.

A voir en famille, le film n’est pas complètement déplaisant. Mieux encore, de 7 à 77 ans, Chacun y trouvera de quoi s’attacher, et s’identifier aux personnages. Mais l’adaptation ne s’est pas faite sans douleur; précédemment, la version télé (avec Alice Sapritch en Folcoche) s’en sortait beaucoup mieux, sans se sentir obligée d’en édulcorer le contenu au profit d’un humour, fût-ce t’il léger. Là, si on ne ressort pas totalement déçu ni satisfait, on regrettera quand même ce côté bancal, à ménager la chèvre et le chou.